Spécialité rouergate emblématique, adulée des touristes par le folklore haut en couleur entourant sa préparation et son service, l'aligot est une pâte fromagère que l'on étire en un ruban de la marmite et que l'on coupe aux ciseaux pour remplir les assiettes des convives.
La difficulté de sa végétalisation résidait dans la création d'un fromage végétal offrant un maximum... d'élasticité pour pouvoir l'étirer. Le reste revient à préparer des patates bouillies et à associer les deux produits avec de la crème végétale et de l'ail en une purée onctueuse. Certes, la pâte est moins étirable que dans la recette omnivore, mais le rendu final reste très honorable et n'a pas à rougir question saveur au palais!
Ce mets savoureux, on ne peut plus convivial*, se servira (avec, dans l'idéal, quelques saucisses végétales) par les froides soirées d'hiver, parmi les exclamations de satisfaction et le vin (végane) qui gargouille dans les verres...
* Autant que, dans notre univers hexagonal, le sont raclette, fondue savoyarde, tartiflette, ficelle picarde, carbonade flamande, flammeküeche, choucroute garnie, cassoulet, quiche lorraine, endives au jambon, pissaladière, farcis provençaux...
Un peu d'histoire
Préparation culinaire rurale du Rouergue septentrional (nord-Aveyron), et en premier lieu de l’Aubrac*, l’aligot (à ne pas confondre avec la truffade auvergnate et le retortillat de l'Aubrac et de la Margeride, qui sont des rondelles de patate cuites avec du fromage frais de cantal, des herbes et de l'ail) est une alliance de purée de pomme de terre et de tome fraîche, longuement travaillée pour obtenir une texture caractéristique, souple et légère.
A la purée de pommes de terre, additionnée de lamelles de tome fraîche, sont mélangés de la crème, du beurre et de l’ail pilé ou finement haché. Il importe de travailler et retravailler sans relâche la matière pour la rendre élastique, filante.
Aligot est une francisation du mot rouergat alicouo ou aligouot désignant ce plat fromager à base de patate et de tome fraîche. Le terme a donné lieu à diverses interprétations dont celle de Frédéric Mistral qui, dans son Trésor du Félibrige met en avant la racine latine aliquid signfiant “quelque chose”. Dans son Dictionnaire étymologique de la langue d'oc, Robert A. Geuljans propose le verbe français haligoter signifiant “déchirer, mettre en lambeaux”, lui même dérivant de la racine bas francique harion, “gâcher”, qui a donné également haricot (au sens de “râgout”).
Plusieurs légendes sont attachées à l'invention de ce plat, mais il semble que l'ancêtre de l'aligot (et de la truffade), avant que la pomme de terre ne se soit répandue sur le Massif central, ait été la patranque: des morceaux de pain trempés de bouillon ou de lait et de la tome fraîche que les moines servaient aux pèlerins de Saint-Jacques-de-Compostelle traversant les montagnes sur la via Podensis. Ce mets sera perpétué par les vachers fabriquant le fromage de laguiole ayant récupéré les terres de l'abbaye de Saint-Chély-d'Apcher (disparue pendant la Révolution) et consommé dans les burons et mazucs (abris d'estives). Suite à l'exode rural du Massif central intervenu dans le dernier quart du XIXe siècle, ce sont notamment les bougnats de Paris qui populariseront ce plat dans leurs auberges et restaurants de la Capitale. Une solide «platée» d’aligot appelant bien souvent une paire de saucisses paysannes (végétales, dans le cadre d'un repas végane) et un verre de vin rouge, d’Estaing, du Fel ou de Marcillac, ou simplement un côte d'Auvergne…
Devenu festif de nos jours, ce plat de subsistance des vachers et fromagers des burons de l’Aubrac témoigne de l’importance de la pomme de terre en ces contrées rouergates. Aussi roboratif que convivial, il ne lasse pas de fasciner les cohortes de touristes par son côté identitaire et spectaculaire : voir «filer» l’aligot dans une grande marmite avec une énorme spatule de bois requiert, en effet, beaucoup d’énergie !
* Pays “culte” du tourisme, fascinant d'authenticité avec ses fermettes aux toits de lauzes et ses paysages désolés d'une verdoyance fluorescente, l'Aubrac se trouve à cheval sur trois départements: l'Aveyron, le Cantal et la Lozère.
Recette
Ingrédients
(pour 4 personnes)
1,2 kg de pommes de terre à chair fondante (pour aligot, purée…)
80 g de margarine
15 cl de crème de soja (ou autre crème végétale)
12 cl de lait d’avoine
1-2 gousses d’ail
sel
poivre du moulin
Pour le fromage végétal:
25 cl de lait d’avoine
25 cl d’eau
1 cube de bouillon de légumes
8 cl d’huile au goût neutre (nous avons utilisé l’huile de tournesol)
70 g de farine (ou fécule) de tapioca (attention, pas le tapioca à gros grain qu'on trouve dans les supermarchés, mais celui où il est bien marqué "farine" ou "fécule", sinon il faut le moudre pour obtenir une poudre fine)
4 cuil. à soupe bombées de levure maltée
1 cuil. à café d’ail en poudre
1 cuil. à café d’oignon en poudre
4 cuil. à soupe de vin blanc sec végane (facultatif)
1 cuil. à café de sel
Préparation de recette
Éplucher et laver les pommes de terre. Les faire cuire dans de l'eau salée.
Pendant ce temps, préparer le fromage végétal. Faire bouillir l’eau et y dissoudre le cube de bouillon. Dans une casserole, faire chauffer l’huile à feu doux jusqu’à l’apparition de petites bulles. Ajouter la farine de tapioca en mélangeant rapidement avec un fouet pour éviter les grumeaux. Verser le lait et le bouillon dans ce roux tout en continuant à fouetter. Rajouter la levure maltée, les condiments, éventuellement du vin. Passer rapidement le tout au mixer plongeant, puis continuer à chauffer en mélangeant de temps en temps pendant 5-6 minutes, jusqu’à l’épaississement du mélange.
Lorsque la cuisson des pommes de terre est terminée, les égoutter avec soin. Écraser en purée avec la margarine et la crème végétale, puis assouplir avec le lait d’avoine bouillant.
Faire chauffer la préparation à feu doux dans une casserole préalablement enduite d'ail pilé. Incorporer progressivement le fromage à l’aide d’une spatule en bois. Continuer à remuer énergétiquement pendant une dizaine de minutes en prenant soin de soulever la purée de bas en haut afin d'étirer la préparation jusqu’elle épaississe et forme un ruban au bout de la spatule. Saler, poivrer à convenance. Servir rapidement, car c’est un plat difficile à réchauffer.
P’tit truc de Léna
Si votre aligot a trop de grumeaux (ça peut arriver si votre purée de pommes de terre n’était pas assez lisse), vous pouvez le passer au mixeur plongeant avant de servir, il gagnera aussi en élasticité.