Dans la famille des estouffades, donnez-moi celle à la provençale: un mijoté de viande (végétale) oint d'une sauce vineuse tomatée, où surnagent des rondelles de carottes et de cornichon, des câpres et des olives.
Pour le simili carne (en remplacement du bœuf traditionnel), nous avons utilisé du seitan-maison. Celui-ci, une fois saisi à l'huile, mitonnera dans une sauce au vin* rouge corsé, épaissie de farine et de concentré de tomate, enrichie d'oignon, huile d'olive, bouquet garni, sel, poivre et, plus inattendu, d'un hachis de cornichons et de câpres. Des rondelles de carottes viennent fréquemment se joindre. Dans le cadre d'une approche végétalienne, on peut se permettre d'embellir cette sauce de légumes supplémentaires, tels des oignons grelots ou alors des champignons. Par-rapport à la recette omni le temps de cuisson sera divisé par deux: compter une bonne heure au lieu de deux. Non négligeable…
Emplissant la maisonnée d'effluves affriolantes, ce plat d'automne-hiver-printemps, très convivial, généreux en sauce rougeoyante et très goûtu, vous régalera et ne manquera pas de vous valoir les compliments de vos convives. Il s'accompagne d'un riz nature, de patates bouillies, de pâtes (genre tagliatelles).
*Beaucoup de vins ne sont pas véganes, car faisant appel à des sous-produits animaux (blanc d'œuf, colle à poisson) lors du collage, processus précédant le filtrage. Certaines étiquettes de bouteilles portent une mention “vegan”. Un vin bio aura plus de chances d'être vertueux sur ce plan-là.
Un peu d'histoire
En Occitanie, l'estouffade* ou estouffat est un ragoût de viandes et de légumes, longuement mijoté à couvert (c'est à dire, “à l'étouffée” comme son nom y fait référence), relevant de la daube et autres bœuf bourguignon (voir notre recette) et bœuf mode.
Pour l'estouffade provençale, ses “fondamentaux” résident dans de la viande de bœuf, de la tomate (fraîche et/ou concentré), du vin (plutôt un rouge corsé), de l'oignon, des gousses d'ail, des câpres, des cornichons, de l'huile d'olive, un bouquet garni (thym, laurier), souvent de la carotte. Certain(e)s font déglacer au vinaigre la poêle ou le faitout ayant servi à saisir la viande, avant de préparer la sauce. D'autres ajoutent des champignons, d'autres du lard, d'autres de l'anchois, mais dans ce dernier cas, on tire vers la broufade…
Il faut dire que les déclinaisons sont nombreuses. Côté Sud-Est: outre l'estouffade provençale, on note une estouffade niçoise (assez similaire)… Côté basse vallée du Rhône languedocienne (région arlésienne), de l'anchois se mêle à la viande: l'agriade (attachée à la localité camarguaise de Saint-Gilles) cousine ainsi avec le fricot des barques (région d'Arles), dit aussi daube des mariniers… Côté Languedoc secteur des Costières : la brouffade (dite “gardoise” ou de “Nîmes”, avec de l'anchois, mais sans câpres et plutôt au vinaigre et eau, qu'au vin blanc)… Côté Languedoc secteur Midi toulousain : estouffat toulousain (avec des carottes, du bœuf, de la graisse de canard), estouffat ariégeois (aux haricots blancs “coco de Pamiers” et saucisses). Côté Roussillon: estouffat catalan (bœuf, vin blanc, carottes, oignons, tomates, pommes de terre, huile et beurre). Côté Massif central : estouffat quercynois (avec en plus quelques pruneaux, un petit verre de marc)…
Toutes ces estouffades, qu'elles soient de légumes (nous reviendrons un jour sur l'estouffade de pommes de terre), de viandes ou de poisson, ont pour point commun le récipient en terre dans lequel elles cuisaient. Les cuisiniers de l'Antiquité et des premiers siècles de notre ère ayant remarqué qu'en cuisant sous couvercle (braises dessous, braises dessus), les arômes se concentraient. Ce récipient gagnera plus tard l'âtre de la cuisine. A partir du Xe siècle, et plus sûrement au XIe siècle, apparaissent des dispositifs plus sophistiqués pour cuire ces plats. Ainsi, s'ajoutant à d'autres modes de cuisson médiévaux (dont le tourne-broche ou les poêles percées à châtaignes, connus encore de nos jours), apparaît-il dans les Alpes le “potager” (du nom du potage) qui est un système ménager (sorte de petit fourneau maçonné percé de trous munis de grille permettant de disposer les braises de la cheminée) qui se généralisera en Europe au cours du XIVe siècle. Et, bien sûr, viendra plus tard le four…
Recette
Ingrédients
(pour 3-4 personnes)
250 g de seitan* (voir notre seitan foncé)
20 olives vertes ou/et noires dénoyautées
10 petits cornichons
2 cuil. à soupe de câpres
2 belles carottes
3 oignons (dont 1 pour la marinade)
Facultatif : 10-12 oignons grelots.
4-5 gousses d'ail
75 cl de vin rouge végane* + 25 cl d'eau
1 cuil. à soupe bombées de farine
2 belles cuil. à soupe de concentré de tomate (70 à 100 g)
Huile d'olive
1 bouquet garni
Persil
Sel
Poivre
* Pour les intolérants au gluten, remplacer le seitan par tout autre simili, tofu fumé, tempeh, ou tout simplement champignons de Paris. Si vous êtes abstème (ne consommant pas de vin), nous préconisons de remplacer le vin par une quantité équivalente de bouillon. Sinon, savoir que le vin perd ses degrés d'alcool lors de la cuisson.
Préparation de recette
La veille: préparer le seitan foncé (à défaut, se rabattre sur sur seitan industriel). Jeter le bouillon de cuisson et le laisser mariner une nuit dans un récipient hermétique avec de l'ail écrasé, 1 oignon coupé en 4, le bouquet garni, 1 filet d'huile d'olive et le vin rouge.
Le lendemain: sortir les tranches de seitan de la marinade, les égoutter et les braiser en les couchant dans l'huile chaude d'une poêle qui n'accroche pas. Les saisir 5-6 minutes sur chaque face. Les couper en 2 ou 3 morceaux et réserver.
Eplucher oignons et carottes. Tailler les premiers en rouelles, les secondes en rondelles assez épaisses. Ajouter également l'oignon ayant servi pour la marinade. Les placer dans un faitout (ou une grande casserole) en compagnie des olives, des câpres, des cornichons (coupés en rondelles) et faire revenir ces légumes dans de l'huile 5 minutes. Verser le reste de la marinade. Ajouter le concentré de tomate et l'eau. Saupoudrer de la farine en remuant. Assaisonner à convenance.
Laisser mijoter sur feu moyen-doux à couvert (en dégageant un interstice pour la vapeur). Compter environ 1h15, en remuant de temps à autres pour que ça n'accroche pas au fond et que les parfums s'imprègnent bien.
Si on en dispose, saupoudrer de persil frais haché et servir bien chaud avec un riz nature ou des pommes de terre bouillies.
Le p'tit truc de Léna
Ce plat, assez long à préparer et relativement coûteux, s'avère, au final, d'un rapport qualité-prix des plus convenables pour une belle tablée, surtout en jouant sur le riz ou les patates d'accompagnement... Il le sera également pour une personne seule ou un couple: en ce cas, répartir ce qui ne sera pas consommé au premier repas dans une ou plusieurs barquette(s) à mettre au congélateur.
Cette recette est parfaite pour faire apprécier le seitan à des personnes en “manque” de viande, souvent récents végétariens ou végétaliens, ou encore pour surprendre des omnivores de notre entourage. Les ingrédients dans lesquels il séjourne, avant et pendant la cuisson, lui donnent, en effet, un certain caractère, pour ne pas dire des réminiscences trompeuses.