Pâtisserie ménagère du Boulonnais*, la tarte au libouli se reconnaît à la vue à ses gros bords et à ses croisillons de pâte, et au palais à sa texture briochée et le goût lacté de sa crème.
Aucun souci pour la végétalisation, le lait végétal remplaçant le lait traditionnel et la crème végétale les œufs.
Celles et ceux qui connaissent cette tarte frissonneront au plaisir de la retrouver. Les autres s’étonneront de la texture briochée de la pâte, moelleuse à souhait, ainsi que de l’appareil oscillant entre la crème et le flan, au bon goût vanillé. A déguster sans modération avec un café-chicorée!
*Région naturelle maritime et bocagère du littoral de la Manche, dans le département du Pas-de-Calais, constituée de l’arrière-pays de la ville de Boulogne-sur-Mer.
Un peu d’histoire
La tarte au libouli («lait bouilli» en patois boulonnais) se connaît également sous les noms de tarte à gros bords (car il fallait faire de gros bords pour éviter que le lait ne s’échappe), tarte au papin (du flamand pap signifiant «bouilli») et, plus localement, de tarte porteloise (du Portel, une localité du Boulonnais), mais aussi de tarte à l’coloche, tarte au flan, tarte à l’pronée (avec des pruneaux).
Cette tarte à gros bords est emplie d’une belle épaisseur de flan crémeux, sucré et vanillé, à la surface jaune claire, plus ou moins brûlée par endroits. Certains gardent les chutes de la pâte pour décorer la crème libouli de bandes entrecroisées. La pâte, légèrement briochée, est faite de farine, beurre, lait, oeuf, levure boulangère (délayée dans un peu de lait tiède et de sucre) et sel. Une fois bien reposée, on l’abaisse finement au rouleau et on en garnit un grand moule. On verse ensuite la «crème libouli» (ou le «papin»), constituée de lait chaud battu avec une forte proportion de sucre, de la farine, des œufs, de la vanille. Il n’est pas rare d’y enfoncer une demi-douzaine de pruneaux, avant que le tout ne cuise (au feu de bois, selon la tradition) pour une demi-heure. Cette magnifique tarte campagnarde (dont la seule différence avec la tarte au flan tient à la pâte briochée) fait le bonheur de tous, au dessert ou au goûter.
L’invention de la tarte au papin par mémère Harlé, à Wirwignes, en 1919, relève, à notre sens, du folklore, car il se pratiquait de ces tartes à gros bords bien avant. Exemple : la tarte à l’badrée picarde (certes, quelque peu différente, puisque à base de crème et sans croisillons), en partie tombée dans l’oubli de nos jours, signalée dès le XVIe siècle.
La tarte au (ou à) libouli s’inscrit dans cette catégorie de tarte à gros bords (ou tarte à ducasse, qui prend des noms différents, selon les régions, comme tarte au papin vers la côte d’Opale). Le libouli («lait bouilli») désignant la crème qui la recouvre. La tradition des tartes en Flandre, et plus largement dans l’ensemble de la région, remonte au moins à la fin du Moyen Âge, associée aux réunions familiales et, surtout, aux ducasses*. A cette occasion, les ménagères confectionnaient de multiples tartes, portées à cuire au four du boulanger, dont cette fameuse tarte à libouli ou à gros bords… «A gros bords», car on dit que, jadis, les familles modestes ne disposaient pas d’assez d’argent pour l’achat d’un moule. On mettait donc la pâte directement sur la tôle du four, en en repliant grossièrement le bord pour éviter que la crème ne déborde.
*Dans le Nord, la ducasse est une fête foraine qui tire son nom de « dédicace », car dédiée à un saint.
Recette
Ingrédients
(pour un moule rond de 24-26 cm de diamètre)
Pour la pâte:
250 g de farine de blé
5 cl d’huile au goût neutre (par exemple, tournesol)
1 cuil. à soupe de sucre
10 cl de lait d’avoine (ou autre lait végétal)
1 sachet de levure boulangère
1 pincée de sel
Pour le libouli:
30 g de farine de blé
20 g de fécule de maïs
100 g de sucre
1 sachet de sucre vanillé
50 cl de lait d’avoine (ou autre lait végétal)
20 cl de crème végétale (soja pour nous)
Préparation de recette
Faire tiédir le lait végétal avec le sucre. Hors feu, verser la levure boulangère dans le lait, mélanger, couvrir et laisser reposer 10 minutes.
Dans un saladier, mélanger la farine avec le sel. Y creuser un puits pour y verser l’huile et le mélange lait / sucre / levure. Mélanger avec une cuillère, puis pétrir la pâte, la bouler, couvrir avec un torchon et la laisser lever une bonne heure dans un endroit chaud.
Repétrir un peu la boule de pâte pour en chasser l’air, avant de l’abaisser au rouleau fariné, très finement (car la pâte va à nouveau lever à la cuisson). En foncer un moule à tarte huilé (piquer le fond plusieurs fois avec une fourchette). Penser à garder un peu de pâte pour décorer la tarte de bandelettes.
Réaliser le libouli: dans une casserole, mélanger les sucres dans le lait végétal, puis faire chauffer. Verser cette crème végétale dans un saladier et y incorporer progressivement la farine et la fécule en fouettant bien pour éviter les grumeaux. Dès que le lait commence à bouillir, y incorporer le mélange crème/farine en fouettant. Attendre que le mélange recommence à frémir, puis laisser épaissir 3 minutes à feu doux.
Verser la crème sur la pâte. Découper le reste de la pâte en bandes fines, et faire des croisillons. Faire cuire dans un four préchauffé à 200°C pendant 20-25 minutes. Surveiller la cuisson vers la fin pour s’assurer que le haut ne brûle pas trop.
Laisser totalement refroidir avant de démouler.
P’tit truc de Léna
Pour rendre la tarte plus brillante, vous pouvez mélanger un peu de confiture avec de l’eau et, une fois bien refroidie, la badigeonner avec un pinceau. Traditionnellement, on utilise de la gelée de pommes, mais n’importe quelle confiture “orangée” fera l’affaire.