La crêpe bretonne, celle au froment* (la «crêpe des crêpes»), fine sphère blonde tachetée de marques brunes de cuisson, imprègne de sa saveur et de ses odeurs notre mémoire gourmande.
Végétalisée (ce qui la rend plus légère, digeste et même, beaucoup vous le diront, «meilleure» sur le plan gustatif), elle se contente de farine, de sucre, de lait végétal et d’huile, avec un trait d’extrait de vanille, de fleur d’oranger ou de rhum. Cuite sur chaque face**, elle prendra la couleur jaune clair et la texture moelleuse que chacun lui connait.
Fourrée au sucre, au chocolat, à la confiture, à la crème de marron ou de noisette, aux pommes confites, arrosée de citron, surmontée d’une boule de glace ou flambée au Grand-Marnier, il existe mille et une manières de magnifier une crêpe… sans oublier la bolée de cidre traditionnelle pour l’accompagner ! Dans la rue, les effluves émanant de sa cuisson habillent nos cœurs d’enfants de souvenirs de la Chandeleur aussi impérissables que ceux suscités par les marrons chauds de Noël!
*Le froment est en fait le blé tendre, le blé «ordinaire», le plus courant en France.
**Sans œufs, la pâte à crêpe semblera plus fragile. Mais, à l’aide d’une spatule, elle se retourne très bien. L’important est d’utiliser une crêpière (à défaut, une poêle) qui n’accroche pas.
Un peu d’histoire
Si la crêpe est universelle, son port d’attache, en France*, se situe en Basse Bretagne, précisément en Cornouaille, où elle participe au rayonnement de l’identité gastronomique bretonne toute entière au travers des deux ou trois milliers de crêperies qui la célèbrent. Elle se présente sous l’apparence d’un disque (de 30 à 40 cm de diamètre) de pâte cuit sur les deux faces, très fine et alvéolée, d’une teinte jaune clair. Pour la confectionner, on mêle farine de froment, lait, œufs entiers, beurre fondu, sucre semoule et sel. Certaines exhalent des apports de vanille, de cannelle, de fleur d’oranger, de rhum ou de lambig (eau-de-vie de cidre).
Il perdure aussi une crêpe de sarrasin et de froment (sans adjonction de beurre dans la pâte, ce qui la rend très croustillante), jadis, très répandue en Basse Bretagne. Cependant, la plupart des crêperies ont abandonné sa fabrication au profit de la galette de blé noir (sans œufs, ni lait, ni beurre et toujours salée), typique de Haute Bretagne, car moins friable et, de ce fait, facile à garnir.
Les crêpes se retrouvent au cours des civilisations souvent associées à toute une symbolique festive. Leur rondeur dorée représentait le disque solaire triomphant de l’hiver et marquant le retour du printemps. A l’ère chrétienne, cette fête s’accompagnait d’une procession aux chandelles en l’honneur de la présentation de Jésus au Temple. Elle deviendra la Chandeleur, la fête des lumières et de la purification de la Vierge. Elle célébrera le dernier jour «gras» (Mardi gras), réapparaissant à la Mi-Carême. Tout un rituel reste lié à la confection des crêpes, tel celui de faire sauter les crêpes de la main droite en tenant une pièce dans la main gauche, afin de favoriser la prospérité durant l’année. On gardait aussi la première crêpe dans une armoire, gage de récoltes abondantes…
En Bretagne, la crêpe constituait le repas de base. Dans la tradition paysanne régionale, le repas de crêpes se faisait une fois par semaine, souvent le vendredi. La crêpe s’obtenait en battant longuement la pâte «au poing» et se cuisait, sur les deux faces, sur deux tuiles, pierres ou biligs en fonte. De nos jours, l’industrie agroalimentaire a automatisé sa fabrication, lui faisant gagner en praticité ce qu’elle a perdu en arôme…
*Nombreuses sont les régions et provinces françaises possédant une tradition crêpière. Leurs crêpes, qu’elles soient sucrées ou salées, à la farine de froment, de maïs, de pois chiche ou de sarrasin, garnies ou enrichies d’ingrédients divers, plus ou moins épaisses ou plus ou moins fines, s’y désignent sous des noms différents : Bretagne (crêpe bretonne, galette de sarrasin, crêpe dentelle), Normandie (crêpe à la normande), Picardie (ficelle picarde), Flandre (couquebaque), Lorraine (vaûte), Champagne/Ardenne (tantimole, berdelle), Alsace (Eierkuchen), Berry (sanciau), Morvan (crapiau), Limousin (tourtou, bouligou), Auvergne (tartouille, bourriol), Rouergue (pascade), Quercy (cajasse), Périgord (pescajoune), Gascogne (crupet), Pays basque (taloa), Pyrénées (pasteras), Jura (michon), Franche-Comté et Lyonnais (matefaim), Provence (socca, cade… crêpe suzette), Corse (vultati)… la liste n’est pas exhaustive!
Recette
Ingrédients
(pour 10 à 12 crêpes cuites dans une crêpière de 25 cm de diamètre)
250 à 260 g de farine de blé
2 à 3 cuil. à soupe de sucre roux en poudre
50 cl de lait de soja
10 cl d’eau
2 cuil. à soupe d’huile végétale
1 cuil. à soupe de rhum brun (ou zeste de citron râpé, extrait de vanille)
+ huile pour graisser la poêle
Préparation de recette
Dans une terrine, verser le lait et délayer progressivement la farine au fouet. Incorporer ensuite la matière grasse, l’eau, le sucre, le rhum. Laisser reposer la pâte 1 à 2 heures à température ambiante.
Dans une poêle chaude, graissée, verser une demi-louche (ou une louchette) de pâte et bien répartir celle-ci en inclinant la poêle. Retourner la crêpe à l’aide d’une spatule (ou bien la faire sauter) pour cuire le second côté. Faire glisser la crêpe dans une assiette posée sur une casserole d’eau bouillante. Napper ensuite des gourmandises sucrées choisies.
Le p’tit truc de Léna
Si vous utilisez le lait de riz à la place du lait de soja, les crêpes seront un peu plus fragiles. Il est préférable de ne pas les réchauffer, car elles peuvent se déchirer.
Si vous voulez donner à votre crêpe une coloration jaune un peu plus accentuée, vous pouvez ajouter dans la pâte une ou deux pointes de curcuma.