Délice inoubliable, régal inégalable… les mots se bousculent pour exprimer le bonheur que suscite la dégustation de pain doux bigouden (madeleine de Proust pour beaucoup d’entre nous, Bretons ou touristes). Il s’agit d’un pain qui tire sur la brioche, ou plutôt d’une brioche légèrement panifiée: la douce incertitude prenant une mie jaune, dense et résistante, qui s’arrache sous la dent, tout en restant moelleuse, et dont le fondant délivre une saveur sucrée et douce.
Son passage en mode 100% végétal ne pose pas le moindre problème, le beurre se remplaçant par de l'huile et les œufs par de la crème végétale.
La saveur de ce pain doux s'exprimera au mieux le lendemain, après sa sortie du four... au petit déjeuner ou au goûter, comme à tout moment de la journée... par pure gourmandise !
Un peu d’histoire
Le pain doux bigouden relève de la catégorie de ce qu’on appelle «pain doux» ou «pain sucré» en Bretagne. On le retrouve aussi sous les appellations de «pain doux des Gras», «kouign des Gras»…
Il existe autant de pains doux que de boulangers qui le fabriquent, chacun gardant secrètes sa technique de pétrissage et la proportion des ingrédients (farine, sucre semoule, beurre et oeufs, sel, eau, levure). Certains adjoignent du lait, d’autres des raisins secs, d’autres encore du rhum, de la cannelle. L’ordre d’incorporation des ingrédients de base jouerait un rôle déterminant, au même titre que les temps de fermentation et la température de cuisson.
En Pays bigouden et au Cap Sizun, ce «pain» revêt une forme ronde, de 20 centimètres de diamètre au plus et d’environ 9 centimètres de haut, alors qu’ailleurs il prend souvent une apparence rectangulaire. S’il se suffit à lui-même, le pain doux peut aussi se déguster avec du beurre, de la confiture, du fromage.
Gâteau des Gras par excellence, au même titre que le bourgueu (gâteau de pâte) de la presqu’île de Crozon, le pastéchou du Léon, le gotchial de la presqu’île de Rhuys et la fouesse du Goëlo, le pain doux bigouden, localement appelé «kouign», fait revivre cet usage selon lequel on préparait ces pains festifs («briochant» grâce à l’apport d’œufs, technique qui aère la pâte) le dimanche précédant le carême. Ceux-ci faisaient la joie de la maisonnée jusqu’au Mardi gras. D’une excellente conservation, ils pouvaient servir de cadeau que les familles s’échangeaient.
S’il demeure fortement attaché au Pays bigouden, au Cap Sizun et au pays de Quimper (Basse-Cornouaille), on trouve du pain doux un peu partout en Bretagne, et même à Rennes, en plein pays gallo. Les Bretons y sont si attachés que beaucoup d’artisans proposent «leur» pain doux à longueur d’année, même si sa production enfle en février et en mars… Toutefois, «l’épicentre» de la fabrication du pain doux se situe bien en Bigoudénie, terre austère et douce à la fois, baignée de traditions et de religion dont le poète Pierre-Jakez Hélias s’est fait le chantre avec son Cheval d’Orgueil. En Pays bigouden, on servait les tranches de pain doux en accompagnement du porc rôti au four (lard, chotten, etc.)
*A ne pas confondre avec le pain doux créole, appelé aussi pain fouetté.
Recette
Ingrédients
(pour 2 moules à cake)
500 g de farine de blé
25 g de levure boulangère fraîche
80 g de sucre roux semoule
12,5 cl de lait végétal (avoine pour nous)
12,5 cl de crème végétale (soja pour nous)
10 cl d'huile au goût neutre
1 bonne pincée de cannelle
2 cuil. à soupe de rhum (facultatif)
80 g de raisins secs (facultatif)
5 g de sel
Préparation
Faire tremper les raisins secs 1 heure dans de l'eau. Les égoutter.
Dans une casserole, faire tiédir le lait (attention à ce qu'il ne soit pas trop chaud). Y émietter le cube de levure. Laisser reposer 10 minutes.
Dans un grand saladier (la pâte triplant de volume), mêler la farine, le sucre, la cannelle et le sel. Verser la crème et le lait végétaux, puis battre à la main. Verser l'huile et continuer à pétrir. Dès que la pâte devient élastique, ne colle plus aux doigts, ajouter, si on veut doubler les plaisirs, le rhum et les raisins. Malaxer et bouler.
Recouvrir le saladier d'un torchon et placer dans un endroit chaud (20 à 24°C), près du chauffage ou dans une bassine d'eau chaude. Laisser monter la pâte 4 à 5 heures.
Une fois la pâte montée, la retravailler un peu, puis la diviser en 2 pâtons. Placer ceux-ci de manière à remplir à mi-hauteur des moules à cake (ou bien des moules ronds), préalablement huilés et farinés. Par précaution, mieux vaut tapisser le fond des moules de papier sulfurisé. Placer ces barquettes 20-30 minutes dans un endroit chaud, sous un linge.
Badigeonner le dessus des pains doux de crème végétale. Les envoyer dans un four (grille basse) préchauffé à 180°C durant 40 minutes. Planter un couteau à l'intérieur pour vérifier que la lame ressorte bien propre. A défaut, prolonger la cuisson de quelques minutes.
Le mieux est d'attendre plusieurs heures, voire, une journée (si on le peut!), avant la dégustation. La brioche se bonifiera.