Trésor culinaire aux origines médiévales, la rissole est un petit chausson de pâte brisée ou feuilletée, à l’origine fourré de viande, désormais, gorgé de pruneaux.
Réhydratés dans une infusion de thé fort, les pruneaux seront dénoyautés et écrasés grossièrement avec du sucre. Certains ajoutent un parfum (fleur d’oranger, rhum). Quant à la pâte (végétalisée pour nous: farine, sel, huile de coco en remplacement du beurre, crème végétale à la place du jaune d’œuf et du lait requis), une fois abaissée, elle se verra découpée en disques du diamètre d’un bol moyen. «Compotés» sur une face, ces disques seront refermés en demi-lunes dodues, dorées à la crème végétale «curcumatisée» (en remplacement de l’œuf) et enfournées à température modérée durant une trentaine de minutes.
Ce coussinet au pruneau, dodu à souhait, se consommera en dessert, ou comme en-cas à tout moment de la journée.
Un peu d’histoire
Dans plusieurs régions françaises (Rouergue, Quercy, Savoie, Lorraine…), les rissoles sont une élaboration culinaire très ancienne datant au moins du Moyen Âge.
Naguère fourré à la viande de porc revenue à la poêle et, de nos jours, le plus souvent aux prunes, cette spécialité demeure fortement implantée dans le Rouergue septentrional. La bourgade de Rieupeyroux (postée à l’extrême nord du Ségala, dans le prolongement de la route des Baraques, correspondant à l’ancienne voie royale Toulouse-Rodez) s’en est fait une réputation. Dans l’ancien temps, on s’en régalait le lundi gras, lors de la «foire à la rissole», qui attirait une foule considérable (dont de nombreux galants espérant trouver l’âme sœur). Le bal de la rissole, en février, réveille ces souvenirs, lorsque le village comptait encore une trentaine de cafés et que les ruelles du bourg résonnaient de rires et de musique.
Cependant, les rissoles se trouvent ailleurs dans le Ségala, dans des pâtisseries ou boulangeries attachées aux traditions. De surcroît, quelques vénérables biscuiteries artisanales poursuivent sa fabrication (telle à Laguiole, dans la partie rouergate du pays de l’Aubrac). Et, en période de Carnaval reviennent les rissoles salées, farcies de chair à saucisse, d’œuf, de feuilles de blette, d’oignons, d’ail…
Si on consomme des rissoles fourrées de pruneaux dans le Massif central, notamment comme nous l’avons vu dans le Rouergue (département de l'Aveyron) et dans le Quercy voisin (département du Lot), on en consomme aussi dans le Haut-Dauphiné (Isère), en Haute-Provence (Hautes-Alpes) et en Savoie.
Ainsi, à Grenoble, les rissoles dauphinoises, en forme de demi lune, se veulent en général à la viande (jambon, poitrine salée, poulet, veau), et vendues en boucherie-charcuterie. En revanche, dans Hautes-Alpes, elles seront plutôt à la pomme de terre et au chou, sans pour autant se confondre tout à fait avec les fameux tourtons du Champsaur (voir notre recette), ni les grosses ravioles provençales.
En Savoie, les ruzules ou rzules (aussi appelées rjeûles ou rjoules) sont aussi un type, quoique que plus éloigné, de rissoles ressemblant fortement à un chausson de pâte feuilletée de petite taille… aux poires. On en fait plus souvent à la fin de l'automne avec des «poires à rissoles», lesquelles présentent la particularité d'être très dures et donc de ne pouvoir se manger que cuites, leur chair rougissant à la cuisson. On en fait une farce agrémentée de diverses épices et de sucre. La pâte est souvent dorée à l'œuf. On peut ajouter du sucre glace après cuisson. Une variante possible consiste à remplacer la poire par du coing.
* Le mot «rissole» provient du latin russeolus («rougeâtre»), ancien français rois(s)ole via le français «rissoler».
Hors des frontières françaises, la chose se complexifie, car cette pâtisserie fourrée apparaît comme une spécialité… internationale, commune à de nombreux pays, lesquels y apposant leur variante ! Parmi les versions de la rissole qu'on trouve ailleurs qu'en France, certaines ressemblent davantage à une croquette panée et frite.
Ainsi, si on trouve une rissole, proche de celle savoyarde, en Suisse, au Portugal, « les «rissois» sont des sortes de croquettes fourrées à la morue, à la viande hachée, à la crevette, tantôt au poulet ou au jambon-fromage… Il en existe une version populaire au Brésil, au maïs, connue sous le nom de «risole». Au Royaume-Uni, les rissoles, mêlant viande hachée et pommes de terre, parfois de l’oignon, sont souvent frites et enrobées de chapelure. Dans le Yorkshire, on trouve des rissoles au poisson et à la pomme de terre. En Irlande, les rissoles, fourrées à la purée de pommes de terre agrémentée d’herbes et d’épices, sont généralement frites dans l’huile, et servies avec des frites et/ou du poulet ou des saucisses roulées dans de la pâte feuilletée. En Australie, les rissoles sont de la viande hachée enrobée de chapelure. On retrouve une recette similaire en Nouvelle-Zélande, où on la garnit aussi d’oignon émincé, et où on la fait parfois cuire au barbecue. Les «risoles» sont encore très appréciées en Indonésie.
Rissoles aux pruneaux
Ingrédients
(pour environ une douzaine de pièces)
400 g de pruneaux secs non dénoyautés
250 g de farine de blé
40 g de sucre
7 cl d’huile de coco (ou autre huile au goût neutre)
5 cl de crème végétale
2-3 cuil. à soupe d’eau ou de lait végétal
Quelques gouttes de rhum ou d’eau de fleur d’oranger (facultatif)
1 sachet de thé
Sel
Dorure: crème végétale + 1 pincée de curcuma
Préparation de recette
Laisser tremper les pruneaux toute une nuit, couverts de thé fort (si on est pressé, réhydrater les pruneaux en les couvrant d’eau bouillante avec le sachet de thé et les laisser macérer et tiédir 1 heure) avant de les dénoyauter. Égoutter, puis les écraser à la fourchette avec le sucre. Facultatif: on peut verser quelques gouttes de rhum, de l’eau de fleur d’oranger. Mélanger ensuite la farine, une pincée de sel, l’huile. Ajouter la crème végétale et pétrir avec le lait végétal ou l’eau jusqu’à obtenir une boule de pâte lisse. Laisser reposer 45 minutes au frais. Abaisser la pâte sur un plan fariné et y découper des disques d’une dizaine de centimètres de diamètre. Déposer 1 cuillerée à soupe de compote d’un côté, puis refermer le chausson en humectant les bords avec de l’eau (bien presser les bords). Faire des petits trous, éventuellement des motifs, et badigeonner de crème végétale jaunie d’un rien de curcuma. Poser les rissoles sur une plaque couverte de papier de cuisson et enfourner à 180°C pour environ 35 minutes.
Le p’tit truc de Léna
Pourquoi ne pas enrichir la farce aux pruneaux de quelques copeaux de noix ou d’éclats de noisettes?