Le caviar n'est pas inconnu dans le monde vegan. Sa végétalisation, outre le fait qu'elle puisse rappeler des souvenirs festifs à certain(e)s, permet d'attirer l'attention sur des méthodes barbares venues d'un autre temps, et donc le moyen d'y remédier, sans s'en priver et en priver notre entourage!
Nous aborderons sa mise en œuvre sous un angle assez ludique (nous l'avons baptisé «caviar vegar», car il contient de l'agar-agar). Pour ce faire, il convient d'obtenir un bouillon d'algues, obscurci et parfumé de miso noir, gélifié d'agar-agar, puis déposé en gouttelettes au moyen d'une seringue à pâtisserie dans un bain d'huile glacé. Celles-ci, écumées, resteront au frais en attendant l'heure J.
On dressera ces petites billes noires et luisantes sur toasts ou blinis, éventuellement nappés de crème ou de beurre végétal, ou avec une petite touche de citron, aux côté d'une coupe de pétillant (champagne, mousseux, cidre... vegan). Niveau goût, c’est vraiment bluffant! Si vous recevez des invités omni, ils n'y verront que du feu, les plus avertis s'étonnant peut-être que l'intérieur des billettes ne soit pas creux comme des œufs. A la vôtre!
Un peu d'histoire
Comptant parmi les plus cruelles spécialités* que le monde «civilisé» continue de consommer, le caviar est, comme chacun le sait, élaboré à partir d'œufs d'esturgeon: ce seigneur des eaux, pouvant mesurer (pour le beluga européen), jusqu'à 8 mètres de long et peser 1,3 tonne, d'une longévité exceptionnelle (de 50 à 60 ans), s'inscrit, par-ailleurs, parmi les plus anciennes espèces animales existantes, datant de l'ère des dinosaures. On répertorie vingt-sept variétés d'esturgeons dans le monde.
Nous vous épargnerons les détails sordides de la récupération des œufs. Sachez juste que la femelle doit rester vivante pendant l'ablation de la rogue (la poche qui contient les ovaires), tout au plus l'assomme-t-on... Cette opération épouvantable, devant être effectuée dans les «règles de l'art», touche au sadisme. Quant aux œufs, selon un procédé délicat, ils seront tamisés, lavés, égouttés, triés selon leur fermeté, leur grosseur, leur couleur, puis salés, séchés et conditionnés pour le plus grand plaisir de nos gourmets argentés...
Cette pratique n'est, hélas, pas récente, puisque le caviar (de xâvyar signifiant «porteur d'oeufs» en persan) semble connu depuis l'Antiquité. Il n'était alors qu'un mets banal, en rien associé au luxe extrême. Ce furent les Byzantins qui le firent connaître en Europe au Moyen-Age, mais ce sont les Russes surtout qui l'exporteront à partir de la seconde moitié du XVIIe siècle depuis la mer Caspienne.
Nous ne nous étalerons pas non plus ici sur les différentes sortes de caviar. Retenons juste que le caviar sauvage (issu du béluga, l'espèce reine des esturgeons, ou encore de l'osciètre et d'espèces d''esturgeons plus petites, comme le sevruga et le sterlet), interdit d'importation en Europe, est le plus cher et mérite bien sa cynique appellation d'«or noir» (pouvant atteindre des sommes faramineuses, de 2 0000 euros à 30 000 euros au kilo pour les variétés confidentielles, tel le caviar blanc iranien).
Mais bon, comme partout ailleurs, les eaux de la mer Caspienne et de la Mer Noire notamment ayant été «vidées», du fait de la pollution et de la surpêche, le caviar d'élevage représente désormais 90% de la production. Aux Russes et aux Iraniens, ainsi qu'aux Roumains, aux Azerbaïdjanais, aux Kazakhs, ont ainsi succédé les Chinois (devenus premiers producteurs mondiaux), devant les Italiens, les... Français, les Bulgares, les Uruguayens, les Espagnols...
La filière française exploite le sturio, un esturgeon de l'Atlantique, autrefois très présent dans l'estuaire de la Gironde, où il venait frayer. La France aura largement contribué à la notoriété de ce produit dans les Années 20, la Révolution Russe ayant entraîné l'ouverture à Paris de grandes maisons importatrices de caviar de la mer Noire et de la Caspienne, en particulier Prunier et Pétrossian.
En France, la législation interdit l'usage du mot «caviar» pour les œufs d'autres espèces de poissons, d'oursins, de crabes au contraire d'autres pays européens. A noter qu'il existe une commercialisation d'œufs d'escargots.
Il n'existe qu'un seul «caviar» d'origine végétale pouvant porter cette dénomination, de par son ancienneté: le caviar d'aubergine (voir la recette dans notre livre Tartinades et dips véganes).
* Avec le foie gras (voir notre faux gras).
Caviar vegar
Ingrédients
25 g d'algues Dulse fraîches (en barquette)
20 cl d'eau
20 cl d'huile au goût neutre
2 g d'agar-agar
1 cuil. à café bien bombée de miso noir
Préparation de recette
Avant tout, disposer d'une seringue de pâtisserie, à défaut, d'une pipette.
Sans les rincer, hacher les algues, les placer dans une casserole, verser l'eau et porter à ébullition. Laisser bouillonner 1 minute, puis laisser infuser hors feu, à couvert, jusqu'à refroidissement.
Filtrer le bouillon (les algues récupérées pourront garnir un riz, des pâtes, une salade composée, des crudités, etc...).
Verser l'huile dans un plat ou une assiette large et placer 5 minutes au congélateur.
Faire réchauffer le bouillon. Rajouter le miso noir, puis l'agar-agar sans cesser de fouetter. Porter jusqu'à ébullition et compter 30 secondes avant de placer la casserole hors-feu.
Sortir l'huile froide du congélateur. A l'aide d'une seringue de pâtisserie, prélever du bouillon et faire tomber en goutte-à-goutte des petites billes dans l'huile froide. Filtrer l'huile dans un tamis, placer les petite billes noires dans une tasse. Renouveler l'opération en plaçant l'huile au congélateur et en réchauffant le bouillon en le fouettant. Une fois la totalité du bouillon transformé en «caviar», bien égoutter les petites billes (conserver l'huile restante pour une autre utilisation) et les placer dans un récipient hermétique (genre tupperware) ou une tasse filmée jusqu'au repas du lendemain ou du surlendemain.
Le p'tit truc de Léna
J'ai pas mal été bluffée sur ce coup là.
Vous trouverez des seringues de pâtisserie dans les bazars (pour 2 ou 3 euros), à défaut dans des drogueries ou magasins spécialisés en cuisine pour un peu plus cher.