La gratinée de ravioles (ou ravioles gratinées) semble indissociable de la carte des menus des restaurants drôme-isérois: petits carrés bombés de pâte farcis au fromage et au persil, au fondant savoureux, empilés dans un plat individuel passé au four.
La végétalisation de ces raviolines est aisée: il suffit de remplacer les œufs par de la crème végétale et le fromage frais par du fromage végétal. Par contre, leur fabrication domestique requiert patience et minutie... Il est préférable de disposer d'une plaque (moule avec des creux) à ravioles.
Pour les cuisiner, on jette les ravioles dans une eau salée et huilée portée à faible ébullition. Des qu’elles remontent à la surface, il faut vite les écumer, les égoutter dans une passoire, avant de les agrémenter de crème végétale, d'huile…. Elles se destinent surtout à de succulents (et roboratifs) gratins: à la crème et au fromage râpé (végétal) aux cèpes, aux épinards, aux poireaux, aux courgettes et aux noix, etc… Les ravioles se prêtent aussi à toutes les fantaisies culinaires: frites en apéritif ou poêlées dans une salade, et même sur les… pizzas!
Un peu d'histoire
On distingue deux types de ravioles*: les petites, celles aux herbes, dont nous parlons ici, spécialité du Royans (territoire au pied du Vercors) et de la région de Romans-sur-Isère, et les grosses, alpines et provençales. Les premières, vendues par plaquettes de 48 petites unités (chacune d’environ 2 centimètres de côté), de couleur blanc crème, se composent d’une pâte à la farine de blé (avec œufs, sel, huile ou beurre, eau) et d’une farce à base de persil haché, de comté râpé, de fromage frais (généralement du saint-marcellin) malaxé, d’œufs battus, de beurre, de sel et d’épices; tandis que les secondes, vendues souvent par plaques de six unités (chacune d’environ 5 centimètres de côté), de couleur jaune clair, se composent d’une pâte à la semoule (avec œufs et eau) et d’une farce à base de purée de pomme de terre, d’épinards ou d’oignons frits, de crème, de beurre, de sel et de poivre.
Pour celles aux herbes, la pâte, préparée la veille, est passée au laminoir pour être aplatie. Etalée en bandes sur une longue table, le préparateur y dépose des noisettes de farce a la douille. La pâte est ensuite repliée sur elle-même, soudée, avant d’être découpée à la ridelle (roulette). Dans le cas d’une méthode industrielle, une machine effectue ces opérations: la farce est déposée mécaniquement sur la pâte dans de petites alvéoles qui seront fermées. Les plaques de ravioles sont légèrement farinées et séparées les unes des autres par un papier spécial sulfurisé afin qu’elles ne se collent pas entre elles. Elles sont ensuite rangées dans des emballages en carton ou plastifiés pour le sous vide.
*Voir également nos ravioles et nos raviolis niçois.
Le nom et l’aspect de la raviole évoquent forcément le ravioli (du verbe ravuolgere renvoyant à l’action de replier la pâte autour d’une farce) italien, qui puise ses origines dans la cuisine de l’antiquité romaine. En effet, on préparait un hachis en boulettes, frites, qui donnera la «rissole» en français médiéval. Pendant le Carême, la viande, supprimée des plats, est remplacée par le poisson et les légumes, notamment la rave; la rissole deviendra donc la "raviole" qui est présentée, au XIIIe siècle, comme un "morceau de pâte contenant du hachis de viande et du hachis de raves en Carême". Au XIXe siècle, la raviole s’impose définitivement sur les tables dauphinoises. A la fin de ce siècle, leur fabrication, jusqu’alors familiale, devient l’affaire de ces «ravioleuses» qui louaient leurs services au domicile des familles bourgeoises les jours de carême et de fêtes. Ces femmes seront à l’origine de l’essor des fabriques artisanales dans la région, en particulier autour de Romans. Au XXe siècle l’arrivée de la première machine à faire des ravioles (mise au point par Emile Truchet) et l’apparition des ravioles sur les cartes de certains restaurateurs couronnent cette formidable épopée… De nos jours, de petites entreprises, surtout implantées dans le Vercors et la Drôme, ont fait connaître la raviole dans toute la France et à l’étranger. Ce qui ne doit pas faire oublier que cette petite ravioline existe et existait depuis longtemps en Italie...
L'origine des ravioli reste cependant discutée. Certains historiens avancent que ce sont les travailleurs italiens immigrés dans le Royans (Monts du Vercors à proximité de Romans dans la Drôme) qui auraient importé leurs raviolis et les auraient adaptés aux produits locaux, sans viande, celle-ci coûtant cher. Cependant, de vieux écrits datant de 1491 attesteraient par ailleurs d’une origine autochtone de la raviole qui était sans doute un aliment de Carême et dont la tradition est surtout restée vivace dans le Royans.
Recette
Ingrédients
(pour 2-3 personnes, soit 4 à 5 plaques de 48 petites ravioles)
Pour la pâte:
275 g de farine de blé
10 cl d'huile neutre
10 cl de crème végétale
1 pincée de sel
Pour la farce:
150 g de noix de cajou (non salées, non grillées)
4 cuil. à soupe de jus de citron
2-4 cuil. à soupe d'eau
2 cuil. à soupe de levure maltée
¾ de cuil. à café rase de sel
3 cuil. à soupe d'huile d'olive
1 petit bouquet de persil
1 gousse d'ail
Poivre
Pour le gratinage:
Crème végétale (nous avons utilisé la crème de soja)
Levure maltée ou fromage râpé végétal (voir notre recette)
Préparation de la recette
Préparer la farce. Faire tremper les noix de cajou toute une nuit. Jeter l'eau de trempage; placer les noix dans le blender. Mixer avec l'eau, le jus de citron et l'huile jusqu'à l'obtention d'une pâte homogène (commencer avec 2 cuil. à soupe d’eau et en rajouter si le mixage se trouve difficile). Rajouter la gousse d'ail écrasée, la levure maltée, le sel et le poivre. Remixer. Faire revenir à l'huile le persil haché, puis le rajouter à la préparation et mélanger. Réserver au frais.
Dans un saladier, pétrir farine, sel, huile, crème végétale jusqu’à obtenir une pâte lisse. Laisser reposer 2 heures au frais.
Étirer la finement la pâte au rouleau. Découper des bandes de 6 centimètres de large. Tous les 4 centimètres, déposer une noisette de farce, puis recouvrir avec une autre bande de pâte. Découper ensuite les ravioles avec une ridelle en petits carrés et souder les bords.
Si on dispose du moule à alvéoles, ça sera encore plus facile.
Placer les plaques de ravioles sur un plat au frais pendant plusieurs heures, afin qu'elles durcissent et s'assèchent légèrement.
Le moment venu, les diviser en petits carrés. Puis faire cuire ces ravioles 2-3 minutes à l’eau bouillante salée. Dés qu’elles remontent en surface, les écumer, les égoutter. Les répartir dans des plats tels de larges ramequins individuels à bords assez hauts. Les huiler, les additionner de ce que l'on souhaite (pour nous de l'oignon et de l'ail haché, de la coriandre) et arroser généreusement de la crème végétale. Saupoudrer de levure maltée (si on aime) ou de notre fromage végétal râpé et envoyer à four très chaud 20 minutes. Servir très chaud en déposant le plat sur une assiette.
Le p'tit truc de Léna
Attention, la fabrication de ces petites ravioles est exigeante. Et leur pochage à l'eau est également délicat. Néanmoins, ça reste une recette très accessible. Si vous craignez de vous lancer, vous pourrez vous rabattre sur nos ravioles (provençales).
Un petit truc pour mieux découper vos plaques: les passer 20 minutes au congélateur pour qu'elles durcissent un peu. Ensuite, ça se casse comme des carrés de chocolat. On peut les plonger aussitôt dans l'eau bouillante pour les faire pocher.