La tourte au saumon est attachée à la bonne ville auvergnate de Brioude, baignée par la haute vallée de l’Allier.
Excellente nouvelle, le saumon se… végétalise: nous avons repris la technique utilisée dans notre quiche de «saumon» fumé… le fumé en moins. Il s’agira donc de tofu ferme nature, macéré avec des algues, de l’huile et du jus de citron, taillé en lamelles additionnées de l’épinard, des oignons, de la crème végétale (en remplacement de l’œuf) au fond d’une pâte. Recouverte d’une seconde abaisse de pâte, dorée de crème végétale, la tourte cuira au four une grosse demi-heure.
Ce plat de gala vous renverra avec délice vers une autre époque, la conscience tranquille. Sous la dent, se glisse un côté «gras», comme pour le saumon, avec vraiment un goût de… poisson, lequel se marie à la perfection avec les épinards. Bluffant ! Pour faire davantage de parts, rien de mieux que de servir cette tourte auprès d’une salade de saison et quelques patates bouillies.
Un peu d’histoire
Cette vieille spécialité brivadoise rappelle que ce magnifique poisson migrateur, le saumon, remonte les eaux de l’Allier* depuis des temps immémoriaux. Le saumon atlantique, qui concerne le bassin Loire-Allier, est un poisson de la famille des salmonidés (à laquelle appartiennent les truites de mer, fario ou arc-en-ciel, ainsi que le saumon du Pacifique ou l’omble-chevalier). Son corps fuselé présente un dos gris plus ou moins bleuté, des flancs argentés ponctués de quelques points noirs et un ventre blanc nacré. Sa taille peut aller de 50 à 130 centimètres et son poids atteindre 30 kilos pour les spécimens exceptionnels. A mesure de son séjour dans la rivière, sa robe se pare d’une teinte cuivrée.
Jadis, le poisson-roi abondait dans les eaux de l’Allier. La ville de Brioude passait, d’ailleurs, pour la «capitale» du saumon (on y venait des quatre coins d’Europe pour le pêcher). Ce poisson représentait une source de revenus considérable sur l’ensemble du bassin Loire-Allier, tant par la pêche de loisirs que par celle professionnelle. Sur la Loire, à la fin du XIXe siècle, il se prenait encore 10 000 saumons dans l’estuaire (l’équivalent d’une centaine de tonnes). Inutile de préciser que ce poisson n’avait pas la même cherté que de nos jours et on a même retrouvé certains contrats où les ouvriers des coutelleries exigeaient de n’en pas être nourris plus de deux fois par semaine !
Le passage des saumons sauvages dans l’estuaire de la Loire, estimé à plus de 100 000 individus au début du XVIIIe siècle, est tombé à 45 000 en 1890, 15 000 dans l’entre-deux guerres, pour finir à moins de 2 000 individus dans la seconde moitié des années 1970. Cet effondrement résulte principalement de la construction de barrages (pour la navigation d’abord, puis pour l’électricité), qui ont rendu inaccessibles aux saumons leurs zones de reproduction naturelles. D’autres facteurs se sont superposés, tels la pollution des cours d’eau, les changements climatiques, l’élevage industriel des saumons (diffusant des maladies à leurs congénères sauvages), le développement d’espèces prédatrices (d’autres poissons comme le silure, certains oiseaux…), ainsi que le braconnage. Des plans de sauvetage ont été mis en place pour sauver le dernier poisson migrateur capable d’accomplir 900 kilomètres dans nos eaux pour y frayer. Ces dernières années, des comptages encourageants à Vichy (dans le bourbonnais voisin) ont permis de comptabiliser cinq ou six centaines de saumons.
Si le saumon de l’Allier est devenu rare, sa gastronomie dans la région reste présente.
*Autres fleuves naguère remontés en force par les saumons : la Loire et l’Adour (Pyrénées-Atlantiques).
Tourte au saumon végétal aux épinards
Ingrédients
(pour un moule de 26 – 28 cm)
Pour le «saumon» :
400 g de tofu ferme
40 g d’algues fraîches en barquette (Dulse pour nous)
6 cuil. à soupe d’huile d’olive
4 cuil. à soupe de jus de citron
1 cuil. à café de paprika
Pour la tourte :
2 X pâtes brisées ou feuilletées (voir nos recettes)
800 g à 1 kg d’épinards frais (à défaut, 300 g d’épinards en branche surgelés)
1 bel oignon
1 gousse d’ail (facultatif)
10 cl de crème végétale + pour la dorure
Huile
Sel
Poivre
Préparation de recette
La veille préparer le «saumon». Couper le tofu en fines tranches. Préparer une marinade avec les algues hachées très finement*, le jus de citron, l’huile d’olive et le paprika. Bien enrober les tranches de tofu de cette marinade et les placer au frais dans un récipient fermé.
Préparer 2 abaisses de pâtes brisées ou feuilletées. Réserver.
Eplucher et émincer l’oignon. Le faire revenir dans une poêle huilée jusqu’à ce qu’il prenne une couleur dorée. Laver, équeuter les épinards et les ajouter à la poêle. Laisser cuire à couvert à feu moyen, en remuant de temps en temps, jusqu’à ce que les épinards soient bien tombés et que l’eau se soit évaporée. En fin de cuisson, mélanger avec la crème végétale et, si on le souhaite, ajouter l’ail écrasé. Poivrer. ** Réserver.
Egoutter les tranches de «saumon» en leur conservant les algues.
Etaler au rouleau la pâte, puis la disposer au fond d’un moule à tarte en laissant généreusement déborder les bords. A la fourchette, en piquer le fond, avant de garnir celui-ci d’une moitié d’épinards. Déposer dessus les tranches de «saumon» et leurs algues, puis le restant des épinards.
Rabattre la pâte vers l’intérieur de 1 cm. Couvrir de la seconde abaisse en pressant bien le tour avec les doigts pour souder.
Ménager un petit trou (2 cm de diamètre) au centre de la tourte pour permettre l’évacuation de la vapeur. Badigeonner la surface de crème végétale et envoyer dans un four préchauffé à 190°C pour 35 minutes environ.
*Ne pas les dessaler, ou alors, si vous n’avez pas l’habitude de saler, les passer très brièvement sous l’eau. Si on dessale les algues, elles perdent de leur goût marin.
**Saler uniquement si vous avez dessalé les algues ou utilisé les algues sèches. Sinon, la quantité de sel dans le «saumon» suffira.