Très originale, d’aspect comme de goût, la soupe aux cerises intéresse les pays du kirsch, de Franche-Comté et d’Alsace.
Les cerises doivent être lavées, équeutées et dénoyautées. Du beurre (qui sera pour nous de l’huile) est d’abord fondu dans une casserole, auquel on incorpore de la farine tout en remuant avec une spatule, afin de réaliser une sorte de roux, mais sans qu’il prenne de coloration. Ou, plus simple, on farine simplement les cerises dénoyautées. Ensuite, on verse de l’eau et/ou du vin rouge les cerises, du sucre et du kirsch. On porte à ébullition en remuant toujours, avant de laisser cuire à feu doux une vingtaine de minutes. Lorsque les fruits sont cuits, verser dans une soupière sur des croûtons frits à l’huile.
Cette soupe offre la curiosité de ne pas se servir en dessert, mais bien en entrée. Ce potage exquis précède le plat principal. Toutefois, froide, elle peut se muer en dessert.
Un peu d’histoire
Quelques précisions sur le kirsch:
Le kirsch est une eau-de-vie incolore résultant de la fermentation de guignes (cerises) avec leurs noyaux, très populaire en Franche-Comté, en Alsace, en Lorraine et dans les pays germanophones (Allemagne, Suisse alémanique, Autriche).
Fougerolles, située aux confins de la Franche-Comté et de la Lorraine, est la capitale française du kirsch. Il se trouve un second bassin de production de kirsch en Franche-Comté: le kirsch de la Marsotte. Il existe plusieurs variétés de guignes dans les vergers. La cueillette, réalisée mécaniquement, s’effectue en juin-juillet. Les guignes fermenteront en cuves cinq semaines, avant une double distillation en alambic. On obtient alors un alcool blanc très pur qui sera assemblé à des eaux-de-vie de millésimes précédents, afin de proposer un produit de qualité constante. Six kilos de cerises fraîches sont nécessaires pour obtenir 70 centilitres de kirsch à 45°, soit 18 kilogrammes de cerises pour fabriquer 1 litre d’alcool pur. Certains agriculteurs perpétuent un savoir-faire plus traditionnel : fermentation en tonneaux de bois, vieillissement en bonbonnes de verre dans les greniers. Ce kirsch fermier titre entre 47° et 55°.
En Alsace, le kirsch s’élabore à partir de guigne (une petite cerise noire montagnarde) et de merise (une cerise minuscule et sauvage, dont on a greffé l’arbre). Les meilleurs fruits poussent sur les sols gréseux, granitiques et schisteux du massif vosgien. La production de kirsch, en Alsace, concerne essentiellement le Val-de-Villé (autour de Ribeauvillé), surnommé la «vallée du kirsch». Autres lieux de production de kirsch réputés : les vallées d’Orbey et de Lapoutroie (au sud-Ouest du Val-de-Villé) et celle de Thannenkirch (au nord de Ribeauvillé). Le Sundgau est également un pays du kirsch, comme l’illustre l’adage «qui voit Altkirch boit du kirsch!»
Le kirsch se déguste en «goutte de bienvenue», en digestif ou dans les cocktails. La cuisine l’utilise pour les fondues, pâtés, pâtisseries (savarin au kirsch, forêt noire) et autres desserts (kougelhopf glacé, mousse glacée, sorbet aux cerises) et entremets (soufflé au kirsch), ou encore pour flamber des crêpes, des fruits. Outre les fruits à l’alcool (griottes), le kirsch caresse de son arôme confitures et chocolats.
Le kirsch (de Kirsche, «cerise» en allemand) serait la plus ancienne des eaux-de-vie de fruits. Au XVIe siècle, la fabrication du kirschwasser (eau-de-vie de cerise), venue d’Allemagne, atteint la région de Fougerolles, aux sols (gréseux, recouverts d’une terre légère) et au climat propices à la culture des cerisiers. Durant la première moitié du XIXe siècle, cette industrie se développera de façon spectaculaire, appelant la création de tonnelleries, de commerces de verre. A partir de 1850 apparaissent des distilleries industrielles pour satisfaire la demande toujours croissante, venant de Paris, d’Angleterre ou des Pays-Bas. Mais à partir de la fin de la Grande Guerre, le verger fougerollais ne va plus cesser de décliner. Entre les campagnes contre l’alcoolisme (ayant abouti à l’interdiction de l’absinthe en 1915), la crise économique des années trente, la mécanisation de la culture et du ramassage des cerises, l’atmosphère festive des cueillettes d’antan disparaît. De nos jours, cette distillation à l’ancienne est encore pratiquée par des agriculteurs et autres bouilleurs de cru, mais les grandes distilleries assurent le gros de la production. La Fête des cerises (premier dimanche de juillet) et la Foire aux beignets de cerises (troisième dimanche de septembre), sous l’égide de la «Confrérie des Gousteurs d’eau de cerise», sont les temps forts du pays fougerollais.
Quant à l’Alsace, si la macération de cerises dans du vin semble s’y pratiquer depuis la fin du Moyen Age, il faudra attendre la fin du XVIIe siècle pour voir du kirsch circuler dans les alambics. Aux siècles suivants, le kirsch deviendra un produit de première nécessité pour ces montagnards au mode de vie rude, au même titre que la pomme de terre et le lait caillé.
Recette
Ingrédients
(pour 4 personnes)
750 gr de cerises
20 gr de farine
4 cuil. à soupe d’huile
150 gr de sucre en poudre
5 cl de kirsch
75 cl d’eau ou de vin rouge
Pain de campagne et huile
Préparation de recette
Laver, équeuter et dénoyauter les cerises. Verser l’huile dans une casserole. Lui incorporer progressivement la farine tout en remuant avec une spatule, afin de réaliser une sorte de roux, mais sans qu’il prenne de coloration. Verser l’eau (ou le vin), les cerises, le sucre, le kirsch. Porter à ébullition en remuant toujours, puis laisser cuire à feu doux 20 minutes. Pendant ce temps, préparer des croûtons en les faisant dorer à l’huile dans une poêle. Lorsque les fruits sont cuits, verser dans une soupière sur les croûtons frits.
Le petit truc de Léna
Pour désalcooliser en partie la préparation, surtout si il y a des enfants, je remplace le vin rouge par du jus de raisin bio. J’ajoute celui-ci plutôt vers la fin de la préparation et divise par deux la quantité de sucre.