Voici des sablés à la farine de maïs torréfié, héritiers de la grande tradition des gaudes qui a nourri des générations de Bressans: d'une couleur marron, craquants et fondants, ils épateront, en version végétale, celles et ceux qui les connaissaient... ou pas.
Si leur végétalisation ne pose guère de problème (œufs et beurre se remplaçant par de la crème végétale et de la margarine), la difficulté réside, quand on habite loin du Centre-Est, dans la trouvaison (quelques enseignes bio la commercialisent) de la fameuse farine de gaudes: une farine particulière, de couleur beige-blonde, exhalant des parfums grillés de noisette. Etalée, la pâte se découpe selon les emporte-pièces choisis (carrés ou rectangles dentelés, cercles...). Une fois cuits au four, puis refroidis, certains les saupoudrent de sucre glace.
Nous proposons une solution pour remplacer la farine de gaudes: en additionnant la farine de maïs “normale” de poudre de noisette torréfiée. Ainsi, la farine de maïs, jaune pâle, “s'embeigera”, prenant un petit parfum noisetté !
Au petit-déj', au goûter, en fin de repas ou, tout simplement en en-cas, les sablés de gaudes expriment un goût inattendu: vaguement praliné et pain d'épicé!
Un peu d'histoire
Spécialité ancestrale bressane*, les gaudes (nom toujours au pluriel) désignent à la fois une farine très fine de maïs torréfié et la bouillie. Celle-ci se délaye dans de l’eau. Portée à ébullition, on la laisse cuire une paire d'heures, en remuant. Au moment de servir, on peut adoucir cette bouillie consistante de lait, beurre ou de crème. Froide, elle peut se détailler en tranches que l’on fait revenir à la poêle.
Une déclinaison plus récente (celle que nous proposons) sont les «gaudrioles»: des sablés à base de farine de gaudes amalgamée, dans leur version traditionnelle, à du lait ou du beurre, du sucre et des œufs.
Si Christophe Colomb rapporta le maïs en Europe à la fin du XVe siècle, la céréale (appelée alors “blé de Turquie”) ne parvint en Bresse et en Dombes qu'au début
du XVIIe siècle. D'abord utilisée pour nourrir le bétail et les volailles, celle-ci prendra une place prépondérante dans l’alimentation paysanne, devenant un aliment de base, peu onéreux (car échappant à la dîme) et roboratif, permettant à la région de traverser des périodes de disettes et les guerres. Les épis de maïs étaient grillés dans le four à pain, puis égrenés à la main ou au pied, avant d’être portés au moulin. La bouillie, à l'origine de millet, possédait une couleur jaune évoquant celle de la fleur de réséda, appelée aussi “gaude”. Par extension, le nom de gaudes sera attribué à d’autres bouillies dont celle au maïs. Des générations de Bressans se régaleront de gaudes, adorant la peau craquante qui se formait à la surface de la bouillie (on disait de quelque chose de bon que c’était “de la peau de gaude”!). Par référence à la couleur de la farine de maïs, les Bressans avaient, par-ailleurs, hérité du sobriquet de “ventres jaunes”.
Au XIXe siècle la pomme de terre détrônera en cuisine le maïs. Reléguée au rang de curiosité folklorique, la soupe de gaudes conserve, néanmoins, ses amateurs dans la plaine de Bresse*, mais aussi dans les pays bordiers : de la Dombes au sud, au Dijonnais, au Dolois et au pays de Gray au nord, en passant par le Chalonnais et le Mâconnais à l'ouest, le Revermont à l'est.
* Partagée entre Lyonnais (la “Bresse bressane”, département de l'Ain), Bourgogne (la “Bresse bourguignonne”, département de Saône-et-Loire) et sur un morceau de Franche-Comté (la “Bresse jurassienne”, département du Jura), la Bresse dessine une vaste plaine agricole de 80 kilomètres de long pour 25 à 40 de large.
Gaudrioles (sablés à la farine de gaudes)
Ingrédients
(pour 11-12 pièces de 5-6 cm de côté)
250 g de farine de gaudes (ou 125 g de gaudes + 125 g de farine de blé)*
120 g de margarine végétale
140 g de sucre roux
1 sachet de sucre vanillé ou 1 à 2 cuil. à café de vanille liquide
6 cl de crème végétale
Curcuma (facultatif)
1 pincée de sel
*pour remplacer la farine de gaudes si vous n’arrivez pas à en trouver, voir l’astuce en bas de la page
Préparation de recette
Déposer la farine de gaudes dans un saladier avec le sucre, le sel. Bien mélanger. Ajouter la margarine en petits morceaux et sabler entre ses paumes. Verser la crème végétale. Pétrir à peine, juste pour rassembler la pâte et qu'elle soit homogène. La placer au frais 45 minutes, afin qu'elle se raffermisse.
L'étendre avec la main ou au rouleau sur une épaisseur de 5-6 millimètres (les gaudes vont gonfler en cuisant).
Découper la pâte avec un emporte-pièce cannelé de 5-6 cm de diamètre.
Placer les sablés sur une plaque de cuisson tapissée de papier sulfurisé.
Dorer la surface des sablés avec un peu de crème végétale et 2 pincées de curcuma si on en dispose. Les rayer quelque peu à la fourchette. Enfourner 20 minutes environ dans un four préchauffé à 190°C. Sortir et laisser refroidir avant dégustation.
Vous pouvez adapter cette pâtisserie aux goûts actuels en y incorporant des fruits frais ou secs (amandes, noix, raisins...)
Astuce
Quasi-introuvable en dehors de la Bourgogne, du Rhône-Alpes et de la Franche-Comté, voici une solution pour remplacer la farine de gaudes: mixer des noisettes (ou acheter de la poudre) et les torréfier dans une poêle, avant de les mélanger à de la farine de maïs “normale” (trouvable, elle, facilement).
Sablés de gaudes à la farine de maïs
200 g de farine de maïs + 50 g de poudre de noisette
120 g de margarine végétale
140 g de sucre roux
1 sachet de sucre vanillé ou 1 à 2 cuil. à café de vanille liquide
6 cl de crème végétale
Curcuma (facultatif)
1 pincée de sel
Faire griller à sec (dans une poêle qui n'accroche pas) la poudre de noisette. La remuer de temps en temps. Attendre qu'elle prenne une couleur marron foncé (non noircie), avant de l'intégrer à la farine de maïs. Reprendre ensuite le processus proposé.